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Interview Isabelle Foulon, L'Oiseau au bec d'Or, 2020

Bonjour Isabelle, nous sommes ensemble pour parler de votre livre L'Oiseau au bec d'or. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous aviez envie de raconter pour celles et ceux qui n'ont pas encore lu votre livre ? Bonjour François ! Je suis ravie de pouvoir partager avec vous.

Je dirais d’abord que ce livre, ce n’était pas juste une envie. Plutôt un besoin impérieux, un élan viscéral, quelque chose de plus fort que tout, qui venait de mes tripes. Au décès de mon père, j’ai ressenti comme une urgence à partager les cinq jours que nous venions de vivre à son chevet de mourant. Cinq jours incroyables tellement porteurs d’espérance.


Ce fut comme un appel de l'âme : je devais témoigner de cette expérience improbable, qui était venue nous rappeler que rien n’est jamais perdu, même aux portes de la mort et que seul l’Amour compte. Il me fallait dire combien la maladie et la mort telles que nous les envisageons n’existent pas… et que nous sommes bien plus vastes que tout ce que nous pouvons imaginer.

Évidemment, pour que le lecteur puisse appréhender notre traversée, je ne pouvais pas me contenter de raconter ces cinq jours solaires hors du temps. Je devais raconter tout le reste de l’histoire… Et donc aussi notre aventure aux côtés d’Alzheimer. Le parcours compliqué que ce fut, avec nos conflits, nos errances, nos doutes ; nos terreurs à tous, aussi bien celles de notre père que les nôtres en tant qu’enfants. Je voulais que le lecteur sache d’où nous venions pour qu’il comprenne la splendeur du chemin parcouru.

Notre aventure en compagnie d’Alzheimer, ce fut un cadeau mal emballé ! Un vrai parcours initiatique. Et c’est ça que je voulais raconter.

Pourriez-vous nous raconter ce titre, sans trop en dire, ainsi que cette couverture ?

Cet oiseau qui surgit de nulle part à un moment crucial de l’histoire, c’est un personnage central de l’aventure. Sans cet oiseau, la fin du livre ne serait pas la même. J’aurais pu l’appeler plus sobrement « le merle »… Mais ça me paraissait trop commun. Je souhaitais rendre hommage à la manière éclatante dont cet oiseau se manifeste dans ma vie. Je voulais aussi que le titre annonce la couleur du récit, qui a des allures de conte... On y croise un chevalier, une dame, des dragons… et un mystérieux Oiseau au bec d’or !

Je dirais que l’Oiseau au bec d’or, c’est un messager de l’au-delà. Il invite chacun à voir la magie de la Vie et ses synchronicités renversantes. Au-delà de ça, il vient raconter quelque chose à chaque lecteur. Parce que nous avons tous dans nos vies une Dame Alzheimer qui nous éprouve. Ça peut être n’importe quelle maladie, n’importe quel accident de la vie. L’Oiseau au bec d’or nous propose d'adopter une nouvelle posture face aux épreuves de l’existence et d'y déceler ce qu’elles cherchent à nous apprendre. Ce livre raconte une histoire intime. Pourtant, et ça m’émeut toujours, il semble que chaque lecteur se retrouve dans notre histoire singulière, même sans avoir vécu Alzheimer. Pour moi, elle est là la vraie magie de l’Oiseau !

La couverture du livre a été réalisée par ma maman. Ce fut une évidence une fois l’écriture terminée. Il me semblait important d’allier le talent de notre père à celui de notre mère. Symboliquement, c’était une façon de les réunir, de consacrer notre réparation familiale.

Vous voulez dire que c'est votre maman qui a illustré tout le livre ?

Exactement ! Toutes les illustrations sont de ma maman, la Mamoune de mon histoire. C’est un vrai cadeau qu’elle m’a fait là, parce qu’elle ne dessinait plus depuis longtemps. Elle a accepté de réveiller son don endormi pour sublimer mes mots avec ses traits de crayon.

C'est un récit familial, qui explore le deuil, la famille, en l'occurrence la vôtre, comment s'est passée l'écriture de ce livre ?

Comme je le disais, le lendemain du décès de papa, je me suis sentie appelée à raconter ce que nous venions de vivre. Je ressentais une réelle urgence à raconter. Comme s’il fallait à tout prix que « ça se sache » ! Je me suis littéralement jetée dans l’écriture, sans me poser de questions. J’ai écrit pendant un an avec frénésie.

J’ai d’abord transcrit les cinq jours au chevet de papa, encore très vivants en moi. J’étais quasiment en état transe ! J’ai beaucoup pleuré… Avec l’écriture, je revivais tout une deuxième fois. C’était très fort, parce qu’en mettant notre vécu en mots, je prenais pleinement conscience de la beauté de ce que nous avions expérimenté.

Ensuite, j’ai remonté le fil en fouillant dans mes souvenirs pour reprendre notre histoire à son début. Là, ce fut moins douloureux, parce que j’observais notre périple depuis les hauteurs, à la façon d’un aigle : je voyais ses lignes, ses détours et ses contours, les mécanismes qui nous avaient jetés dans les affres des conflits. Je devenais en quelque sorte observatrice de notre propre histoire, si bien que je n’étais plus plongée dans nos émotions brutes et torturées. Je voyais le déroulement des événements avec une forme de sagesse si j’ose dire !

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis retournée dans mes journaux intimes et dans les dizaines d’e-mails qui s’étaient échangés durant la maladie de papa : aussi bien avec les professionnels de la santé qu’avec mes frère et sœurs. Je ne voulais pas que mon récit soit uniquement fondé sur mes souvenirs et ma prise de distance par rapport aux événements. Je voulais aussi reconnecter l’émotion dans laquelle nous nous trouvions à cette époque-là, retrouver nos mots, pour que le lecteur soit propulsé dans nos états d’âme du moment, quitte à divulguer des sentiments peu reluisants !

Par contre, la dernière partie du livre s’est écrite en temps réel, avec ce qui surgissait au fil des jours.

A quoi associez-vous l'écriture justement ?

À tant de choses ! Dans ma vie quotidienne, écrire c’est d’abord une manière de me relier à mon âme, à ce que je porte en moi : c’est poser des mots dans la matière pour dire qui je suis. L’encre m'ancre ! L’acte d’écrire est audacieux : il invite à être soi, à chanter son chant, jeter son cri. C’est aussi une façon d’exorciser le silence. Il y a un côté thérapeutique, qu’on le veuille ou non. Mais bien plus que de tisser des mots de soi à soi, l'écriture permet aussi de tisser des mots de soi à l’autre. Les mots écrits sont comme des ponts qui nous relient les uns aux autres. Ils rendent l’invisible visible en traçant l’intime, le caché, le tu.

Aujourd’hui, l’écriture me permet de planter des graines de Lumière dans le monde. Je crois au pouvoir des mots. Ils sont à manier avec prudence : ils peuvent aussi bien tuer que donner la vie. Avec mes mots, je tente modestement d’éclairer le monde. C’est ma « part de colibri ».

En écrivant L’Oiseau au bec d’or, j’ai avant tout voulu témoigner. Et mon prochain livre ira dans le même sens. Pourtant, sans l’avoir prémédité, écrire ce livre fut aussi une thérapie et un acte de transmission pour mes enfants et ceux qui suivront.

Nous sommes dans un récit intime où la pudeur est de mise, comment vos proches ont-ils réagi quand vous leur avez parlé de ce livre et quand ils l'ont lu ?

Il y a nécessairement une forme d’impudeur quand on se raconte. Cet aspect-là m’a énormément freinée au moment de publier. Ce n’est pas rien de lancer à la face du monde l’histoire des siens. J’avais peur de nous jeter en pâture. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles j’ai louvoyé du côté du conte. Un conte que j'ai contrebalancé par des photos de famille à la fin du livre. Parce que je tenais à lever le doute : un conte, oui, mais de chair et d’os ! Là encore, je nous ai préservés d’une certaine manière en ne publiant que de vieilles photos noir et blanc.

Le soir même du décès de papa, ma plus jeune sœur m’a suggéré d’écrire notre histoire. Elle trouvait qu'elle devait être racontée et était persuadée que j’étais la meilleure personne pour le faire. Sa confiance, ce fut un fameux cadeau ! Sans le savoir, elle a attisé un feu qui couvait déjà en moi.

Mes deux sœurs, mon frère et maman ont été les premiers à lire le manuscrit, qu’ils ont d’ailleurs reçu le même jour. Ma plus jeune sœur a quasiment tout lu en une nuit ! Et ma maman l'a lu trois fois ! Elle a été particulièrement émue par le début du livre, dans lequel je résume en deux pages l’histoire de sa vie de couple. À la fin de sa première lecture, elle m’a envoyé un message très touchant, dans lequel elle se disait fière. Elle ajoutait être certaine que papa l’était tout autant qu'elle. Voilà, c’est beau… J'ai une famille formidable. Je les ai tous embarqués dans mes mots, et ils les ont acceptés avec bienveillance !

Il y a quelque chose dans la vie qui est difficile à faire : savoir dire non. Vous l'évoquez dans l'agenda du Chevalier, en écrivant "ne pas faire ce qu'on n'a pas envie de faire", quels sont vos conseils pour ça ?

Oui, c’est une phrase que papa a écrite dans son agenda. Ça nous parle de l’audace d’être soi. Je crois que savoir dire non, c’est surtout oser se dire oui à soi-même. Je ne suis pas bien placée pour donner des conseils à ce propos ! Mais je dirais que se dire non à soi-même, c’est se couper de soi… Et ça, c’est le pire qui puisse nous arriver… Nous craignons de dire non par peur de perdre le lien à l’autre ou de le blesser ou encore d’être jugé. Pourtant, contrairement à la perte du lien à l’autre, on ne se remet jamais de la perte du lien à soi-même… Avant de dire oui à l’autre, nous devrions toujours d’abord sentir comment ce oui résonne en nous… Si notre corps se crispe à cette idée, dans ce cas, il est plus sage de dire non. Parce qu’un faux oui, ce n'est rien d'autre qu'une négation de nous-même. Et c'est mortel.

Vous écrivez "La famille parfaite n'est qu'un songe", une réaction ?

Oui, je crois que la famille parfaite n’est qu’une illusion. Dans notre cas, notre famille semblait parfaite vue de l’extérieur : il n’y avait jamais un mot plus haut que l’autre, tout était lisse, comme idéalisé. Mais cette famille-là, pour moi, n’existe pas. Une vraie famille, c’est un espace où l’on parle vrai : un cocon de bienveillance où l’on peut s’engueuler, ne pas être d’accord et oser bousculer l’autre sans peur de le perdre. La famille de papier glacé où tout le monde sourit, se tient par la main et regarde dans la même direction, c’est une bulle de savon ! Pour moi, la famille parfaite, c’est une famille avec des joies et des rires, mais aussi des pleurs, des bouderies et des engueulades. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’aime pas… ça nous apprend juste qu’on peut s’aimer sans avoir les mêmes opinions ou les mêmes envies. C’est une famille en vie. C’est ça la perfection !

Vous écrivez aussi "Je suis convaincue que la vie, bien qu'ardue, vaut la peine d'être vécue"

Oui, c’est dans une lettre que j’ai écrite à mon père (et que je ne lui ai jamais envoyée). Je voulais qu’il comprenne que malgré la rudesse de ce qu’il traversait, sa vie valait encore d’être vécue. Je crois bien que je voulais le secouer, le remettre debout, le voir à nouveau vivant, alors qu’il se laissait couler vers le fond.

Nous le savons tous : la Vie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle peut être tumultueuse, remplie de ronces et d’épines. Il nous arrive d’errer, en quête de sens. Pourtant, les errances font partie du chemin, et les ronces sont des occasions de désherber notre jardin intérieur, pour nous rapprocher un peu plus de nous-même et découvrir la pépite qui est au fond de nous. Et ça, pour moi, ça vaut toutes nos peines…

Je ne dis pas que c’est facile… Je suis bien placée pour savoir combien c’est confrontant, parfois même désespérant. Ça demande non seulement du courage, mais aussi de la force. Et parfois, on n’a plus le courage ni la force. Alors, il nous faut nous asseoir et laisser l’orage passer. Choisir la Vie, c’est accepter d’être ballotés !

Vous avez une très belle définition d'Aimer, dans votre livre : ne serait-ce pas plutôt agir de tout son être, avec toutes ses tripes, de toute son âme et en toute liberté ? C'est ça l'amour, pour vous ?

Quelque chose comme ça oui ! Pour moi, aimer vraiment, c’est aimer en étant libre des contraintes sociales et des devoirs. Agir par obligation, ce n’est pas aimer. Aimer, c’est agir à partir du cœur. Si le cœur ne vibre pas, ce n’est pas de l’amour… C’est du devoir familial ou social ou encore un faux-semblant égotique qui attend de la reconnaissance… Pour moi, aimer, c’est suivre les battements de son cœur. Rien d’autre. Et ça commence par s’aimer soi-même, se respecter soi-même ; ça, c’est le premier pas vers l’amour de l’autre. On ne peut pas vraiment aimer l’autre si on ne se respecte pas d’abord soi-même, si on n'est pas en lien avec notre authenticité profonde. C’est la qualité de notre lien à nous-même qui détermine la qualité de notre lien à l’autre. On en revient à oser dire non !

Pour terminer cet entretien, vous écrivez : "l'essentiel est libérateur, quel que soit le moment", est-ce que ce roman vous a libérée ?

Dire notre vérité, c’est libérateur, même si on ne la dit qu’au seuil de la mort… Ce livre ne m’a pas libérée de notre histoire familiale. J’en étais déjà libérée avant de l'écrire ; si j’en avais encore été prisonnière, je n’aurais pas pu l’écrire, parce qu’il faut du recul pour écrire un récit de vie.

Par contre, et je ne m’y attendais pas du tout, ce livre a libéré la petite fille sage qui se taisait au fond de moi par peur de blesser. C’est l’audace de publier, en mettant mon prénom et mon nom sur la couverture du livre, qui m’a réconciliée avec moi-même. Mais ça, ce n’est pas terminé… Oser être, se libérer de ses propres chaînes, je crois que c’est à cela que l’humain est appelé… et c’est l’œuvre de toute une vie ! Disons que l’écriture du livre et sa publication ont amorcé un mouvement. POUR COMMANDER CE ROMAN CLIQUEZ ICI

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